Sauver El Kamra: un projet de réhabilitation de la gare d'Al Kamra à Rabat
Ghita Ouassini
El Kamra en Danger !
L'annonce de la vente imminente de l’ancienne gare routière d'Al Kamra, prévue pour le 24 septembre, soulève une interrogation majeure : comment un site aussi emblématique, qui a marqué des générations de voyageurs, a-t-il pu être laissé à l'abandon depuis près de deux ans ? Face à l'écho médiatique autour de cette vente, il est crucial pour nous, architectes, urbanistes et citoyens, de mettre en lumière les qualités architecturales et culturelles de cet espace. Est-il sage d'attendre que ce lieu soit vendu à des investisseurs, alors qu'il recèle un potentiel immense pour la ville ?
Structure Unique dans la ville de Rabat
Autrefois en périphérie de Rabat, la gare routière d'Al Kamra occupe désormais une position centrale dans l'urbanisme de la ville. Ce terrain de 3.953 m² ne représente pas seulement une parcelle urbaine, mais aussi un symbole pour le quartier de Yacoub el Mansour, le plus dense de la capitale. Connu sous les noms d’« El Assara Delimoun » ou « El Romana », ce site n’a pas seulement facilité les liaisons entre Rabat et d’autres villes marocaines ; il a également joué un rôle clé dans l’économie locale, à la fois formelle et informelle.
Mutation d’une gare routière à Rabat : Plateforme pour une scène de transition
Le projet de thèse de Ghita Ouassini à l’EPFL, intitulé « Mutation d’une gare routière à Rabat : Plateforme pour une scène de transition », envisage la réhabilitation de la gare routière d’Al Kamra pour révéler le potentiel de ce lieu emblématique en le transformant en un espace public au service de la communauté. Situé à un carrefour stratégique, le site a longtemps servi de centre de transit et constitue un repère urbain essentiel. L'objectif est de convertir cet espace actuellement vacant en un lieu dynamique, incorporant des pratiques souvent marginalisées et invisibles.
Sous la coupole, un gradin circulaire, inspiré par la Halqa, offre une scène pour l'expression artistique. L’arrière du bâtiment, autrefois dédié aux entreprises de transport, est transformé en logements pour artistes, tandis que les structures avoisinantes sont aménagées en ateliers pour artisans.
L'immense aire autrefois dédiée au stationnement des bus est maintenant revêtue d'un sol aux porosités variées, créé à partir de matériaux recyclés des marbreries locales, reflétant une approche d'économie circulaire. Des arbres et des structures métalliques supportant une canopée créent un environnement ombragé. Un système de récupération des eaux de pluie, associé à un réseau d’irrigation visible, aide à entretenir la végétation et à rafraîchir le lieu, qui devient ainsi idéal pour accueillir des marchands et organiser des événements en plein air.
Cette rénovation préserve l’architecture originale tout en intégrant des aménagements adaptés aux besoins de la communauté. Ainsi, la gare d'Al Kamra évolue en un centre de transit renouvelé, soutenant l'économie locale et favorisant la culture, la création artistique et artisanale, un espace ouvert à tous, stimulant la cohésion sociale.
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Ghita Ouassini
Ghita Ouassini est une architecte marocaine établie à Genève. Elle a obtenu son Master d'architecture à l'EPFL en 2023 avec une thèse sur l'architecture post-indépendance au Maroc, explorant les dynamiques de libération à travers la réhabilitation de la gare routière d'Al Kamra. Ghita allie architecture et sociologie, utilisant dessin, photographie, et écriture pour exprimer ses idées. Elle a co-réalisé deux courts métrages, diffusés notamment au Festival du Film d'Architecture de Barcelone (BARQ), et a publié un essai photographique dans L'Atelier Magazine en 2024. Ses recherches actuelles mêlent arts visuels et cinéma pour comprendre l'histoire architecturale. Ghita a récemment présenté ses travaux au Centre Jacques Berque lors d'un événement du Réseau de Recherche sur l'Histoire de l'Architecture au Maroc (RHAM).